Le double bind de la publicité du privé (ou loi des 74%)
74% des Français veulent le droit à l’oubli numérique, mais 74% des Français publient des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux dès leur naissance.
74% des Français veulent le droit à l’oubli numérique, mais 74% des Français publient des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux dès leur naissance.
La dérive situationniste était fréquemment aidée d’alcool et de haschich. A la Défense, nul besoin de ces adjuvants: la configuration même du quartier favorise la perte des sens et joue un rôle hallucinogène.
N’est-il pas réducteur de voir dans l’ADHD une pathologie? N’est-elle pas plutôt une réaction évolutive d’adaptation à un changement de milieu, une stratégie de défense qui préserve l’individu face à la surcharge informative?
Ce qui nous inquiète aujourd’hui, ce n’est pas que l’ordinateur réussisse un jour le test de Turing. C’est que l’humain échoue.
Si l’objet par excellence du premier cinéma est la locomotive, c’est le corps d’un cheval qui constitue le premier sujet de l’une des formes les plus fascinantes de proto-cinéma.
Sur ce portrait officiel, le fondateur de Wikipédia regarde fixement l’objectif. Comment décrire son expression? Il a l’air à la fois jeune et vieux, intelligent et idiot, content de lui et dubitatif, sournois et franc.
Bien qu’elle constitue une fascinante énigme pour l’esprit humain, la question « Une intelligence artificielle pourra-t-elle un jour reproduire certains modes de pensée du cerveau humain? » est peut-être moins fondamentale que la question inverse: le cerveau humain pourra-t-il jamais reproduire les modes de pensée de l’ordinateur?
Le tourisme est une activité paranormale. Pour en profiter, il suffit de s’abandonner au voyage organisé, meilleure porte d’entrée vers les états modifiés de la conscience.
Dans le bocal climatisé d’un data center, quelque part en Californie, des rangées d’ordinateurs de bureau mis en réseau dupliquent, depuis 1996, la moindre donnée placée sur la toile pour le site archive.org d’Internet Archive. Aux avant-postes de la lutte pour la disparition du temps, cette première cellule d’une Bibliothèque de Babel borgésienne, se donne pour objectif de TOUT conserver.
Jusque récemment, la pornographie consistait à montrer ce qui est caché. Aujourd’hui, le genre se rapproche des vidéos de chatons que l’on trouve en masse sur Youtube.
Le virtuel était censé nous permettre de vivre des expériences impossibles dans la vie physique: conduire des véhicules extraordinaires, fabriquer des villes, tuer… Pourtant, il semble que l’horizon des mondes persistants tende vers des actions bien plus quotidiennes et banales: construire sa maison, se promener, rencontrer des amis autour d’une pizza, confortablement installé dans une villa témoin idéale avec piscine et palmiers en 3D.
Second Life va-t-il devenir une ville fantôme? Après deux ans sans m’être connecté, je me téléporte d’île fantastique en ville reconstituée, de fantasme d’artiste en parc à thème, sans croiser quiconque, sauf parfois un avatar immobile, aux bras ballants. En dehors des plages naturistes et des clubs de lesbiennes, tout est abandonné, sans vie.
L’utopie de la disponibilité absolue, instantanée et gratuite du savoir humain est en passe d’être réalisée. Mais, maintenant que nous sommes effectivement en train de devenir omniscients, il devient de plus en plus évident que cet étonnant pouvoir constitue un piège.
La ville est une gigantesque machine relationnelle, qui peut être décrite dans les termes qu’a utilisés Herbert Simon pour décrire la notion « d’économie de l’attention ». A l’anonymat de la grande ville succède l’indifférence des réseaux sociaux.
« C’est l’escalator du Forum des Halles, c’est la plongée, le grand schuss qui dévale vers la fête, vers l’angoisse, vers l’illusion, où les jeunes en rupture, les zonards, la génération de la galère viennent vivre. » (La Fontaine des Innocentes, Antenne 2, juin 1984)
Cette photo de 2007 montre l’actrice Lindsay Lohan portant un bracelet électronique Scram. Son visage exprime plus que de l’indifférence blasée: il y entre une part de fierté. Ce n’est pas seulement qu’elle « accepte » la surveillance électronique: il semble qu’elle en tire plaisir. Elle se joue de la perspective foucaldienne de l’instrument-d’oppression-imposé-pour-maintenir-l’ordre-social-dans-le-cadre-d’une-surveillance-panoptique.
Selon le mot de Jean-Claude Cavard, la banlieue attend toujours son Haussmann. Autant briser le suspense tout de suite: il ne viendra jamais. L’appel à projets du Grand Paris tente de faire croire à son retour d’entre les morts. Il transpire la nostalgie des travaux du Second Empire, époque où Paris pouvait montrer au monde sa puissance, mettre en oeuvre une vision urbaine cohérente, remodeler une ville entière comme une Gesammtkunstwerk et la présenter au monde comme le summum de la modernité.
Tout comme le rêve n’est pas un prolongement linéaire de la conscience, la fiction n’est pas un prolongement linéaire du réel. Elle est par nature productrice de décalages de sens, de mise à distance, de condensation, de frictions, de tensions, de questionnements, de désirs, de potentiels. On peut poser l’hypothèse que, tout comme le rêve, elle ne se contente pas d’halluciner le réel, elle le reprogramme.
L’oubli des fausses montagnes dans les différentes histoires de l’architecture est troublant. Même Ulrich Conrads n’en mentionne pas une seule dans son Phantastische Architektur. Il était plus que temps de réparer ce manque; voici donc une première tentative dans ce sens.
Jusqu’au 20e siècle, les landmarks étaient verticales. Qui construisait le plus haut possible avec les techniques de l’époque créait automatiquement une landmark. Pendant la seconde moitié du 20e siècle, les bâtiments les plus hauts ne deviennent plus nécessairement des landmarks. Los Angeles est la première ville avec une landmark horizontale.
Une culture humaine est menacée: l’Autopia, développée aux Etats-Unis autour de l’usage de l’automobile. Son coût environnemental, incompatible avec les exigences du développement durable, la condamne. Pourtant, mettre fin à l’Autopia constituerait une perte pour le patrimoine de l’humanité et la richesse des civilisations.
La crainte est souvent formulée que Paris se transforme en parc d’attractions. Cette crainte procède d’un étrange retournement de sens. Paris n’a pas à « devenir » un parc d’attractions. Tout au plus pourrait-elle le redevenir, ou se souvenir qu’elle doit le temps de sa splendeur au fait qu’elle a contribué à inventer les termes de la ville parc d’attractions. Tous les éléments qui font la réputation de Paris au 19e siècle sont les éléments constitutifs d’un parc d’attractions réussi.
Au XIXe siècle, les compagnies de tramway américaines construisent des parcs d’attractions au bout de leurs lignes, les « trolley parks ».
Le meilleur emplacement pour une attraction urbaine n’est plus au centre, mais au contraire, le plus loin possible. Il faut échapper à la ville pour créer un ailleurs, pour s’abstraire de ses usages, de ses contraintes financières ou immobilières.
Les trolley parks utilisent les mêmes techniques que les trolleys eux-mêmes. Au bout de la ligne, la machine de l’âge industriel devient folle et sauvage.
La présence d’un poteau de strip-tease au milieu de la piste de danse du Karriere Bar est une œuvre de l’artiste Rirkrit Tiravanija (Elephant Juice). Légèrement incongrue, mais pas irréaliste, elle suggère la possibilité d’improviser un strip-tease, sans l’imposer. Elle génère une attente : il serait frustrant que personne ne l’utilise. Mais qu’on fasse ou non l’expérience, l’œuvre ouvre une porte à l’imagination. L’alcool aidant, on peut se sentir inspiré pour faire passer l’imagination dans la réalité.
Loin d’être un quartier rationnel, fonctionnel, international ou moderne, la Défense est un lieu magique, plein de zones de liberté et de potentiel : un lieu d’agréments.
Cela paraît difficile à croire aujourd’hui, mais La Défense a bel et bien été conçue pour rationaliser les circulations. Ici a été expérimenté à l’extrême le principe fondamental de l’architecture moderne, que Michel Houellebecq définit comme «un immense dispositif d’accélération et de rationalisation des déplacements humains» (MH, Interventions).
La nuit est à la banlieue américaine ce que la forêt est à la civilisation médiévale.