Tourisme et hypnose
Jean-Michel Hoerner, professeur de géopolitique et de tourisme, pose l’hypothèse que le voyage de la famille Fenouillard (la célèbre bande dessinée créée en 1889) se déroule sous hypnose. Ce serait pour Christophe (l’auteur) une manière de faire la critique du voyage touristique, et d’illustrer « le dilemme du faux et du vrai, l’un des thèmes forts du tourisme » (« La Famille Fenouillard: une œuvre prémonitoire ? », Hérodote, n° 127, 2007/4 p.190-198).
L’impossibilité de discerner le faux du vrai est souvent présentée comme une critique du tourisme de masse. Au contraire, c’est précisément là ce qui le rend intéressant: ce qui le place sur le chemin du paranormal.
La famille Fenouillard
On peut voir le tourisme de masse comme un autre moyen d’accéder à des états proches de l’hypnose.
Aller a l’autre bout du monde pour se retrouver chez soi.
Impossibilité de distinguer le vrai du faux.
Tension constante entre absolue altérité et confondante similarité.
Le tourisme est une activité paranormale; c’est ce qui constitue sa très grande qualité.
Pour en profiter, il suffit de s’abandonner au voyage organisé, meilleure porte d’entrée vers les états modifiés de la conscience.
L’agence de voyages dans Playtime de Jacques Tati (1967).
Au contraire, la recherche de l’authentique, de l’équitable etc. condamne a une déception perpétuelle.
Quête sans cesse déçue de l’exotisme. Quête sans cesse déçue de la rencontre.
Quête sans cesse déçue de l’authentique: pourquoi ailleurs serait-il plus authentique qu’ici?
Quête sans cesse déçue de l’altérité, qui n’est jamais où on la cherche. L’autre s’avère si souvent décevant: trop peu différent, ou au contraire d’une différence banale (je ne vois ici que des êtres humains).
Quête sans cesse déçue de la grande culture. L’original tant recherché ne diffère en rien de sa version télévisée, médiatisée, photographiée. Hypnotisé devant l’image tridimensionnalisée de sa quête, le voyageur constate que le déplacement n’en valait pas la peine.
La recherche illusoire de l’authenticité n’aboutit qu’a tuer ce que le déplacement peut contenir, en soi, de surnaturel.
C’est la quête du vrai, non celle du faux, qui conjure l’effroi du deplacement.
Crainte de sortir de sa zone de confort, au risque de découvrir sa zone de plaisir.
S’abandonner au tourisme.